« Si le game est une course, j’arrive en hélicoptère » chante-t-il dès l’intro. Une formule rieuse pour signifier qu’après 25 ans de musique et de nombreux disques d’or en solo ou avec son groupe Saïan Supa Crew, l’artiste inclassable vole dans son propre ciel musical, loin des effets de mode et du « game » des rappeurs éphémères.

Hélicoptère est un feu d’artifice musical, puissant, sensible, explosif, dansant, que Féfé prépare depuis pas moins de 4 ans. Le rappeur écrit « sans forcer », quand la musique ou la vie lui inspire quelques rimes. La première chanson qu’il composa (sans même penser à un nouvel album) était le titre « Quelque part », dans lequel il raconte avec ironie son envie d’une société plus juste, ses désillusions et ses espérances. Sans doute l’un des plus beaux textes jamais écrit par Féfé, à la fois intemporel et terriblement dans l’actualité

(« Salam, shalom ne donneraient pas d’armes à un homme / On n’en serait pas là / Prier l’un contre l’autre, ça alors ?! / Et tous les chants détrôneraient le bruit des Kalash, si dieu ne s’était pas déjà barré quelque part »).

Ce premier texte annonçait aussi une bonne nouvelle : Féfé est toujours aussi lucide quand il regarde la société qui l’entoure. En s’accrochant à ses valeurs, il imagine encore et toujours qu’un autre monde est possible. Féfé, c’est d’abord ça : un sourire gratuit, sincère, mais jamais naïf. Parce que chacun d’entre nous est bien d’avantage que ce qui est inscrit sur nos papiers d’identités, il revendique toute la complexité de l’« Africain de France ». Le « Griot du pays de Verlaine » veut croire que nos différences peuvent nous rapprocher, comme il le chante dans toutes les « Langues étrangères ». Utopique ? « Je suis un utopiste pragmatique, assez fou pour avoir de l’espoir, trop lâche pour y croire » dit-il avec cette humilité qui le rend si attachant.

Ce disque est magnifique dans la façon dont Féfé l’adresse aux autres et à lui-même. Entre observation et introspection, il tombe le masque du clown dans « Sourire de verre ». Il raconte les violences de son père, ses doutes intimes et ses propres manquements : « Je ne m’étais jamais autant dévoilé dans un disque » avoue-t-il. A chacun d’écouter et de comprendre, car il n’a renoncé ni ses convictions, ni à la vérité… Ni à nous faire danser ! Il enchaîne sur des cadences reggaeton, dancehall, afro, électro… Féfé fait des folies et tant mieux. Il peut assumer d’être un artiste majeur du paysage musical en France - récemment invité par Nagui pour les 30 ans de Taratata au côté de MC Solaar, Oli (de Big Flo & Oli), Bernard Lavilliers, et Niles Rogers - et à la fois, continuer à vouloir surprendre son public, défricher de nouvelles pistes artistiques sur des tempos improbables, tout cela en tendant haut et fort le troisième doigt (« Majeur en l’air »). Chanteur, rappeur, entertainer, il lâche des raps où son flow découpe les mots sur une soul poignante et nostalgique avec le chanteur californien Son Little sur « Falling Star ». Sur « Jolie Méchante », il convoque le célèbre et funky band australien Cookin’ on 3 Burners. Et lorsqu’il croise Akhenaton, leader du groupe mythique IAM, il se rappelle ensemble le bon vieux rap boom-bap qui fait kiffer tous les quadras des années 90 avec « des bérets Kangol et des bipers ».

Pas moins de trois réalisateurs ont été sollicités pour mélanger toutes les couleurs chamarrées de ce disque : Lazy Flow (Meryl, Maureen, les soirées La Créole) et sa culture dancefloor, Felipe Saldiva (Idir, Orelsan), et le talentueux Bastien Doremus (Christine and the Queens) pour la réalisation finale et le mix. Ce nouvel album porte bien son titre : cet « Hélicoptère » traverse un arc en ciel sonore qui permettra à Féfé de continuer à voyager en 2024 dans le seul endroit où il se sent encore mieux qu’en studio d’enregistrement : la scène.